Renseignements sur le peintre[]
Pablo Picasso naquit le 28 octobre 1881 à Malaga, Espagne. Picasso peignait ses tout premiers tableaux à l'âge de 8 ans, encouragé alors par son père (qui était professeur de peinture à l'école provinciale de Arts et des métiers de la ville dite San Telmo). Il gardera jusqu’à sa mort sa première peinture à l’huile, Le petit Picador jaune. Au début, un peu avant d’être entré aux Beaux-arts de Barcelone, il dessinait de façon très académique, sa première grande toile académique et d’ailleurs La première communion. En 1901 Picasso signait désormais Picasso et non Ruiz-Picasso. Ce fut un grand peintre avant-gardiste du XXème siècle. Durant toute sa vie il est passé par plusieurs styles, périodes dans sa façon de peindre : le Cubisme, l'Art Moderne, la Période Bleue…. Plusieurs de ses tableaux sont connus dans le monde entier comme Guernica, La femme pleure, Auto-portrait… La peinture a entièrement rythmé la vie de Picasso. Le nombre total de ses œuvres avoisine les trente-six mille : il réalisait donc plus d’une œuvre par jour. Il mourut le 8 avril 1973 à l'âge de 92 ans.*
Renseignements sur l’œuvre[]
Cette œuvre nommée La dépouille du minotaure en costume d’Arlequin a été réalisée de mai à juillet 1936 par Pablo Picasso et son ami peintre Luis Fernandez.
Pour commencer, cette peinture est une œuvre textile réalisée sur une toile en coton écru et peinte à la gouache. On pourrait croire que c’est de l’aquarelle puisque c’est une détrempe à la colle protéique, une peinture très diluée à l’eau qui permet d'accroître la luminosité des couleurs.
Ce tableau a été conçu pour une représentation théâtrale de Romain Rolland nommée “Quatorze Juillet”, il deviendra le rideau de fond de scène pour la pièce. De part sa grande taille (soit 8.30m de haut et 13.25m de long) et son poids léger(environ 27 kg), elle a été composée pour être en adéquation avec le scénario de Romain Rolland qui fut mis en scène du 14 au 23 juillet 1936 à l’occasion de la Fête Nationale et du Front populaire, afin de relater les évènements autour de la prise de la Bastille.
Cette toile a été demandée par Jean Zay(ministre de l’Éducation Nationale), Jean Cassou (chargé de mission au cabinet) et par Léon Moussinac (directeur de la maison de la culture), mais aussi par des compositeurs comme Darius Milhaud, Arthur Honegger ou encore Georges Auric, qui vont créer par la suite des partitions officielles.
Enfin, cette pièce de théâtre n’avait pas été jouée depuis 1902 et c’est en 1965 que Picasso donna sa toile à la ville de Toulouse suite à une exposition de celle-ci; et c’est aussi à Toulouse, au musée des abattoirs, que se situe cette œuvre aujourd’hui.
Le mythe/les personnages[]
Minos, fils de Zeus et d'Europe, régnait sur la Crête.
Chaque année, il offrait un sacrifice à Poséidon, en échange de la prospérité sur l'île. Minos, qui ne trouvait plus d'animaux à offrir au dieu de la mer, lui demanda de lui donner lui-même la victime. Alors Poséidon fit surgir de la mer un magnifique taureau blanc. Minos trouvait le taureau si beau qu'il ne voulut pas le sacrifier. Donc il le cacha et en offrit un autre à Poséidon. Ce dernier s'en étant rendu compte, se venge en faisant ressentir à Pasiphaé, la femme de Minos, une passion folle pour le taureau. Elle demanda à Dédale de l'aider à séduire l'animal . Il construit une vache de bois et y fait entrer Pasiphaé. Le taureau fut charmé par cette fausse vache et s'accouple avec elle. De leur union résulta le Minotaure, répondant aussi au nom de Asterios.
Il fut enfermé dans un palais, le Labyrinthe, spécialement construit par Dédale. Pour que Minos venge le meurtre de son fils Androgée ( tué, selon l'une des versions, par des jeunes Athéniens à la demande du roi Égée, qui était jaloux de ‘athlétisme redoutable d’ Androgée), il obligea les Athéniens à lui envoyer tous les ans sept jeunes garçons et sept jeunes filles afin de nourrir le Minotaure.
Thésée, héros de l'Attique, s'offrit volontairement pour faire partie des jeunes gens et, grâce à l'aide d'Ariane, parvint non seulement à tuer l'animal, mais à trouver son chemin pour revenir au jour.
Analyse de l’œuvre[]
Picasso nous présente une scène de théâtre, qui nous plonge dans la tragédie et le pathos rhétorique. Avant toute action dramatique, nous sommes directement dans l’arène car les rôles de la vie et de la mort sont déjà distribués.
Il convient tout d’abord de considérer le titre attribué à cette toile, car il transmet la description de la scène représentée : Dépouille, Minotaure, Arlequin.
Nous remarquons ensuite que la part prise par le ciel est impressionnante. La ligne d’horizon se situe dans le quart inférieur de la composition, ce qui accentue d’autant plus le gigantisme de l’ensemble.
Le paysage marin et déserté, dans lequel s’inscrit la scène, est donc étendu. Sur la droite, une configuration architecturale nous est offerte. La tour de cinq étages dévoile un côté en ruine et se trouve flanquée d’une bâtisse, éléments qui ne figuraient pas sur le dessin originel.
La composition est centrée : s’y découpent deux groupes de personnages se répartissant de part et d’autre de la médiane verticale de la toile. Les attitudes du groupe de gauche, qui paraissent victorieux, sont orientées vers le céleste contrairement au groupe de droite, ou toute la pesanteur s'y manifeste. On remarquera que la tête du Minotaure se trouve exactement au mitan de l'œuvre, sans pour autant que l’ensemble ne se prête un ordonnancement symétrique.
Les lignes de forces des personnages s’opposent : lignes brisées et ouvertes à gauche, lignes courbes et fermées à droite. De plus, le dynamisme des formes de gauche dégage une impression légère, aérienne, tandis que tout, dans les postures de droite, renvoie à la massivité, à la raideur, à l’enfoncement.
L’utilisation de couleurs complémentaires se distingue au voisinage du costume d’Arlequin : notre regard est en effet spontanément attiré par l’emploi d’un rouge (une des couleurs les plus chaudes du rideau).
Non loin de la se répartissent trois zones traitées en valeurs de gris : elles concernent principalement les visages de trois personnages. Elles forment un triangle et engendrent un parcours visuel s’achevant sur l’axe vertical de la bande rouge en nous ramenant vers la partie inférieure. Les figures sont systématiquement cernées d’un contour noir dont le tracé varie sans cesse de l’épais au fin, du léger à l’appuyé...
La garance “maté” qui colore le manteau d’Arlequin, son habit aux losanges pâles, à peine teinté de gris bleuté et d’ocre jaune clair, épouse le corps écroulé et renvoie à la pâleur froide de la mort. L’expression du Minotaure paraît figée dans une tonalité ahurie, avouant une surprise. Considéré comme un être malfaisant, on pourra s'étonner qu’il endosse l’habit d'Arlequin, personnage bouffon de la Commedia dell'Arte . Pourtant, il s’agit ici du nom d’un démon que l’on désignait en vieux français “Hellequin” qui nous fait penser aux termes “Hell” (enfer) et "King" (roi) . Arlequin serait donc un personnage issu des croyances populaires concernant l’Enfer.
Le Minotaure, un être hybride (un corps d’homme surmonté d’une tête de taureau), fait de lui un être mortel. Issu d’une union contre-nature, il porte le stigmate de la nature.
Nous remarquons que l'effort de l’homme à la tête d’aigle ne s'arrête pas, malgré le poids du Minotaure : il poursuit sa marche. Son pied, au tout premier plan, attaque avec fermeté le sol, entièrement recouvert de sang, soulignant l'extrême dramatisation que Picasso insuffle à son thème.
Puis, dans le groupe de gauche, un homme à la barbe noire, armé d’une grosse pierre, s’accroche, dans ses espadrilles noires, au sol qui glisse vers la mer. Coiffé d’une tête de cheval, il laisse retomber sur son corps la dépouille du cheval écorché.
L’adolescent à la couronne fleurie exprime à la fois le calme et le silence . Cet enfant, peint à la hauteur du ciel, étend au maximum ses bras, il semble donc vouloir arrêter les jeux de la Mort, arrêter le sang qui coule, souhaitant sans doute la paix entre les deux groupes. Ce pur enfant, par sa grâce et son pacifisme, annoncerait-il un avenir radieux ?
En conclusion, bien que ce fond de scène ne paraisse pas illustrer, au sens iconographique ou narratif, un quelconque épisode de la révolution, “l’ampleur du souffle révolutionnaire et pacifiste de la pièce de Roland trouve son équivalent dans l'impressionnante minotauromachie” de Picasso, qui affirme ainsi une cohérence entre la vie, la peinture, le théâtre et l'Histoire. Par ailleurs, nous pouvons désormais comprendre ce que l’homme à la barbe noire représente, en serrant de toutes ses forces la pierre : ce geste veut exprimer la révolte du peuple. Nous voici sur la piste de la guerre civile d’Espagne.